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Blog Mindfulness Belgium

La lente souplesse du temps face à la rigidité de la pensée

La lente souplesse du temps face à la rigidité de la pensée

Texte de Bruno Humbeeck

La créativité se manifeste à travers l’aptitude à manier une pensée à la fois divergente et flexible.

Avec la créativité, il ne s’agit pas de réfléchir davantage ou mieux mais de s’autoriser à penser autrement. Ce qui la freine, c’est alors, par exemple ,la rigidité mentale à laquelle se soumet le groupe quand, empêché de réfléchir en dehors des sentiers battus, chacun se retrouve, par l’obligation de consensus, tenu de se conformer aux idées étriquées, faussement rationnelles, excessivement prudentes d’un leader qui estime être le seul à « penser droit » et ne laisse personne introduire ce soupçon de flexibilité et de divergence à travers lequel une pensée nourrie d’une once d’originalité peut s’ouvrir les voies de la créativité.

Quand la démocratie consacre le règne d’une pensée soumise qui ne laisse la place qu’aux réflexions rigides, les solutions peinent inévitablement à émerger dés lors qu’en reproduisant sans fin l’identique, on s’attend pourtant à ce qu’il débouche sur un résultat autre que la reproduction du même...

Il est pourtant évident que, quand on réfléchit sans fin de la même façon une problématique, la seule chose qui peut lui permettre d’évoluer, c’est le temps qui, en agissant sur les circonstances de son apparition, peut alors éventuellement, lentement et aléatoirement en modifier la forme... C’est exactement l’impression que donne cette gestion politique de la pandémie qui ne laisse place depuis le début à aucune forme de créativité et spécule en somme essentiellement sur la modification des circonstances qui forment le contexte pandémique pour lui permettre d’évoluer naturellement.

C’est pourtant la créativité qui, chez l’être humain, produit généralement les meilleurs résultats quand il est question d’identifier, de définir ou de redéfinir un problème afin de lui trouver une solution innovante quand les réponses données se révèlent jusque là insatisfaisantes soit parce qu’elles causent trop de dommages, soit parce qu’elles ne produisent pas les résultats attendus.

Une expérience très célèbre en psychologie illustre parfaitement ce tort que la « rigidité fonctionnelle » peut causer à un esprit humain quand elle l’oblige à penser en fonction d’un cadre préétabli trop rigide dont il ne se sent pas autorisé à sortir. Dans cette expérience (expérience de la fixité fonctionnelle de Weisberg, 1984) , on pose sur une table face à un premier groupe d’individus trois bougies, trois punaises et trois allumettes contenues dans trois boites distinctes et on leur demande de fixer les bougies allumées sur une porte... Les sujets de l’expérience n’y arrivent généralement pas du tout ou alors très péniblement. Dans un deuxième groupe, les trois bougies, les punaises et les allumettes sont, par contre présentées, directement sur la table distinctement des trois boîtes qui sont posées à leur suite... Le résultat ne se fait pas attendre et rapidement les membres du groupe comprennent qu’ils parviendront à leurs fins en accrochant les boîtes sur la porte avant d’y poser les bougies allumées...

Les individus du second groupe ne sont pas à priori plus intelligents, ni même plus créatifs mais ils se sont simplement d’emblée sentis, par la manière dont les objets leur ont été présentés, autorisés à penser qu’une boîte ne devait pas uniquement être envisagée comme un objet destiné à servir de contenant à des contenus.

C’est comme cela que l’on favorise la créativité, en présentant un cadre souple qui permet d’envisager les choses sous des angles différents et en encourageant, par là, la pensée flexible et divergente.

On peut alors comprendre, dans le contexte actuel où - puisqu’il est question de se remettre en mouvement - il faut plus que jamais chercher à innover, faire preuve de pensée divergente ou imaginer des solutions inédites .

- Celui qui ne pense jamais que le chemin qui mène le plus probablement à la destination pourrait se révéler un tant soit peu plus tortueux que l’autoroute qui n’existe que dans sa tête,

celui qui se refuse à donner aux boîtes une autre fonction que celle de transporter ou de ranger ce qu’elles contiennent,

celui qui ravale au rang de fantaisie intellectuelle tout ce qui, de prés ou de loin, évoque une pensée divergente, 

celui qui a l’arrogance d’affirmer qu’en dehors de sa forme de pensée rectiligne, il ne peut être question que de se fourvoyer dans des chemins de traverse,

celui qui, en définitive, en confondant la rigueur intelligente qui s’accommode, elle, de souplesse avec la rigidité intellectuelle qui justifie son intolérance, on peut comprendre que celui-là finisse par produire de l’agacement chez tous ceux qui se sentent mutilés dans leurs envies de penser autrement en nourrissant de créativité une pensée qui, sans elle, finit toujours chez un être humain par s’assécher...

Gageons qu’avec un Ministre de la santé comme celui que nous avons, nous en resterions longtemps à manipuler maladroitement des bougies, des allumettes et des punaises... en laissant trainer tristement les boîtes sur la table parce que, par rigidité mentale, on n’imaginerait pas les utiliser pour autre chose que ce pour quoi elles ont été conçues...

Evidemment, s’il n’était question que d’un jeu avec des bougies, je ne me formaliserais pas. Mais pour ce qui nous occupe, ce sont des gens, des secteurs entiers d’activité, des jeunes en mal de vivre et une culture mise aux arrêts, qui manquent de lumière et ont le sentiment d’être plongés dans le noir parce que ceux qui se sont donnés le pouvoir de prendre les décisions ne donnent aucune place à l’imagination et à la créativité en laissant notamment l’un d’entre eux ravaler autoritairement ces manières de penser au rang de sous-produit de l’intelligence humaine...

 

Bruno Humbeeck

3 Mai 2021

FB : https://www.facebook.com/bruno.humbeeck

Bruno Humbeeck est professeur de psychopédagogie à l'UMons, et s'il ne pratique pas la méditation de pleine conscience, il n'en illustre pas moins la lucidité qu'elle est censée nous apporter.

Nombre de ses réflexions sont extrêmement proches de la pensée consciente et lucide du Zen et de la mindfulness

 

 

Authors

Jacques Splaingaire

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