Vu sous l’angle de la pleine conscience, la citation de Boris Cyrulnik prend toute sa dimension, car elle nous invite à explorer ce qui peut nous amener à nous laisser entraîner dans ce mécanisme lorsque cela pourrait s'avérer néfaste.
La majorité d’entre nous connait ce concept que toute crise est une opportunité.
Et en effet, les chaos qui ont fait suite à de nombreuses catastrophes de l’Histoire, ont permis des progrès sociétaux énormes. La peste du Moyen-Âge a mis fin au servage, la fin de la seconde guerre mondiale a permis le plan Marshall et d’énormes avancées sociales et médicales
Cependant, il y a lieu de faire le distinguo entre opportunité et opportunisme, car il faut bien se rendre compte que les personnes les plus promptes à saisir une opportunité sont … les opportunistes !
Et les foules effrayées sont les plus promptes à consentir à se soumettre librement aux idées simple(istes) des "sauveurs". (1)
A la sortie – ou lorsque la sortie se dessine – d’une grande crise, la majorité d’entre nous ne voit pas trop ce qu’elle pourrait faire de cette crise. Certains – d’ailleurs assez nombreux – y voient bien divers petits avantages et opportunités de faire ceci ou cela. En 2020, nous méditons, nous enseignons ou suivons des cours sur Facebook, nous faisons la cuisine ou de la couture, nous découvrons la lenteur, nous jardinons, nous nous ennuyons, nous philosophons et certains sont même devenus virologues ou épidémiologistes …
Mais d’autres sont bien davantage visionnaires en termes d’opportunisme.
Vu sous cet angle, la citation de Boris Cyrulnik doit nous inciter à une certaine vigilance, car le manque de lucidité nous amène souvent à ne prendre conscience d’un problème que lorsque nous sommes confrontés à ses conséquences néfastes.
La montée du nazisme à la suite de l’odieux traité de Versailles en est un exemple presque caricatural … et dramatique.
Ce sont nos émotions - ou plutôt leurs manifestations - qui peuvent nous alerter sur la direction que prennent nos pensées, et ici la pleine conscience devrait nous mettre en alerte.
Un piège serait toutefois de verser dans un conspirationnisme paranoïaque et de confondre la vigilance et la lucidité, avec des délires complotistes.
La peur et la colère permanentes en sont souvent des symptômes, mais le déni de leur présence - ou la validation automatique de leur pertinence - nous empêchent d'en tenir compte.
Le juste milieu consiste à bien intégrer qu’il n’existe pas de solution simple à des problèmes complexes, et que les choses doivent être traitées au cas par cas.
L’opportunité d’une crise consiste le plus souvent à être conscient de ce qui a bien fonctionné et le conserver , pour ne modifier que ce qui dysfonctionne.
D’autre part, notre présupposé « dictateur » peut revêtir des formes bien différentes, et il ne s’agit pas nécessairement d’un homme vociférant en haut d’une tribune. La dictature peut parfaitement être idéologique, religieuse, économique, écologique …
Soyons lucides et évitons d’adhérer à un rêve simpliste de grand soir révolutionnaire, prôné de manière simple par des gens avides de pouvoir qui – même si leurs intentions initiales sont pures – se transforment trop souvent en tyrans.
Si le pouvoir rend fou, le pouvoir absolu rend absolument fou.
(1) JOULE & BEAUVOIS. La soumission librement consentie. 2009 PUF Paris